23 décembre 2006
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Raphaël Liogier (sociologue, professeur à l'IEP
d'Aix-en-Provence, directeur de l'Observatoire du religieux, auteur d' Une
laïcité "légitime", la France et ses religions d'Etat :
Contre qui, exactement, s'exerce l'action de la Commission Fenech ?
Vise-t-elle en réalité l'enseignement libre non contractuel ?
Est-ce un moyen de justifier encore plus d'emprise étatique sur l'éducation
des enfants ?
Dans Libération du 20 décembre, Liogier explique que les méthodes utilisées
pour lutter contre les dérives sectaires en France sont «arbitraires» et
inefficaces :
R.L. : - Il n'y a pas de secte qui soit a priori dangereuse en France.
Toutes les études sociologiques ont prouvé qu'il n'y a pas plus de dérives
dans ces groupes-là que dans d'autres groupes qui ne sont pas religieux. Et
les parlementaires ou la mission interministérielle n'ont mené aucune
enquête sérieuse pour démontrer le contraire. S'ils recensent 40 000 enfants
parmi les témoins de Jéhovah, ils en concluent que 40 000 enfants sont en
danger. Or, s'il y avait un vrai problème, on observerait des cas de
maltraitance, de sous-éducation, etc. On aurait des remontées via les
assistantes sociales ou l'Education nationale. Je ne dis pas que cela ne
peut pas arriver, mais, quand ils existent, ce sont des cas particuliers qui
n'ont rien à voir avec le fonctionnement général de la secte.
Dans ce cas, pourquoi lancer une mission pour étudier l'influence des sectes
sur les mineurs ?
- Parce que les sectes représentent le bouc émissaire idéal. On les imagine
tentaculaires, incontrôlables. Après avoir tenté sans succès de les coincer
sur leurs finances, on tente maintenant de dire que leurs enfants sont
manipulés, car c'est un sujet ultrasensible d'un point de vue émotionnel.
Comment repérer les dérives ?
- En cessant d'être dans le vague, en réagissant de façon plus rationnelle.
Il faut être vigilant sur les associations qui pourraient vraiment dériver ,
comme celles avec un projet fondé sur le racisme ou bien celles qui
concentrent le pouvoir sur une seule personne et dont les adeptes sont dans
un abandon total à leur chef. Pour les repérer, il faut des enquêtes
scientifiques et sociologiques. Il faut apporter des preuves avant de
stigmatiser, et cesser de s'appuyer sur des dénonciations tous azimuts ,
sans enquêtes à charge et à décharge. Sinon, on plonge dans l'arbitraire, on
aboutit à des mesures discriminatoires , et on crée des problèmes de liberté
publique plus importants que ceux qu'ils sont censés résoudre.