Alors que depuis plus de 20 ans, James Hansen tentent de prévenir des conséquences du réchauffement climatique, les médias commencent enfin à parler des résultats de ces recherches : l’objectif actuel de CO2 est dramatiquement trop élevé
sur contreinfo.com
James Hansen : l’objectif actuel de CO2 est dramatiquement trop élevé 10 avril 2008
James Hansen, qui dirige le Goddard Institute de la NASA, publie une nouvelle étude montrant que l’objectif actuel de concentration de CO2 dans l’atmosphère, soit 550 ppm, provoquerait à terme un réchauffement de 6° de la planète. Si nous atteignons 450 ppm, alerte-t-il, nous assiterons alors à la disparition totale des glaces et à une élévation de plusieurs dizaines de mètres du niveau des mers. Pour Hansen, l’objectif raisonnable pour préserver la planète est de 350 ppm. Nous en sommes déjà à 380.
Par Ed Pilkington, The Guardian, 7 avril 2008
James Hansen, l’un des principaux scientifiques mondiaux dans le domaine climat avertit aujourd’hui que l’Union Européenne et ses partenaires internationaux doivent de toute urgence repenser les objectifs de réduction des émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. M. Hansen craint qu’ils n’aient grossièrement sous-estimé l’ampleur du problème.
Effectuant une inquiétante réévaluation de la menace que représente le CO2, James Hansen, le responsable du Goddard Institute for Space Studies de la Nasa à New York, appelle à une forte réduction des limites de ce gaz à effet de serre.
M. Hansen affirme que l’objectif européen de 550 parties par million de C02 - le plus stricte au monde - devrait être révisé à 350ppm. Il affirme que cette réduction est nécessaire si « l’humanité veut conserver une planète semblable à celle sur laquelle la civilisation s’est développée ». La version finale du document publié par Hansen et huit autres climatologues, est disponible aujourd’hui sur le site Internet arXiv.org. Plutôt que d’utiliser des modèles théoriques pour estimer la variabilité du climat, lui et son équipe se sont attachés aux preuves fournies par l’histoire de la Terre, qui disent-ils donne une image beaucoup plus précise.
Les scientifiques ont étudié des échantillons de carottes prélevées sur le fond de l’océan, ce qui permet de reconstituer les niveaux de C02 sur une échelle de plusieurs millions d’années. Ces relevés montrent que lorsque le monde a commencé à se refroidir au début de la période glaciaire environ 35 millions d’années de cela, la concentration de CO2 dans l’atmosphère était alors d’environ 450 ppm.
« Si nous conservons ce niveau de 450ppm suffisamment longtemps, il va probablement entraîner la fonte de toute la glace - ce qui déclencherait une montée du niveau de la mer de 75 mètres. Ce que nous avons observé, c’est que l’objectif que nous avons déterminé ensemble provoquerait un désastre - un désastre garanti », a déclaré au Guardian M. Hansen.
À des niveaux aussi élevés que 550ppm, la planète se réchaufferait de 6° Celsius, indiquent leurs travaux. Les estimations précédentes considéraient que le réchauffement induit à ce niveau là ne serait que de 3°.
M. Hansen est depuis longtemps l’une des figures marquantes de l’étude du changement climatique. Il fut l’un des premiers à attirer l’attention mondiale sur cette crise à l’occasion d’une audition devant le Congrès américain dans les années 1980.
Mais sa relation avec l’administration Bush a été plutôt glaciale. En 2005, il a accusé la Maison Blanche et la Nasa d’avoir tenter de le censurer. Il a régulièrement révisé son analyse de l’ampleur du réchauffement de la planète et lui-même a été l’un des architectes de la définition d’une cible à 450ppm de CO2. Mais aujourd’hui il déclare au Guardian qu’il se « rend compte que ce niveau était trop élevé. »
La raison fondamentale pour cette réévaluation a été motivée par ce qu’il appelle « la rétroaction lente » qui est à l’oeuvre dans des mécanismes qui ne deviennent pleinement compris qu’aujourd’hui. Ces mécanismes amplifient la hausse de température provoquée par l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre. Ainsi, la neige et la glace reflètent la lumière du soleil, et en fondant, elles laissent exposé au rayonnement solaire le sol qui lui absorbe plus de chaleur.
De ce fait, lorsque l’inlandsis recule, l’effet de réchauffement est aggravé. Les technologies d’observation par satellite devenues disponibles au cours des trois dernières années ont montré que les calottes glaciaires fondent beaucoup plus vite que prévu, avec les glaces du Groenland et de l’Antarctique de Ouest qui perdent de leur volume.
M. Hansen déclare qu’il considère maintenant comme « peu plausible » l’avis des nombreux climatologues qui estimaient que le recul des glaciers prendrait des milliers d’années. « Si l’on conserve le même rythme je ne vois pas comment l’Antarctique de l’Ouest pourrait survivre un siècle. Nous sommes devant une élévation du niveau des mers d’au moins deux mètres durant ce siècle. »
Cette révision des objectifs de CO2 devrait vraisemblablement susciter des critiques lui reprochant de mettre la barre à un niveau trop élevé. Face au gouvernement américain qui agit comme un frein à l’effort international, les militants de la cause du climat se battent encore pour obtenir que la cible soit 450ppm.
M. Hansen déclare que ses conclusions ne sont pas faites pour provoquer la désespérance. La bonne nouvelle, note-t-il, c’est que les réserves de combustible fossile ont été exagérées, et que les sources d’énergies alternatives devront être mises en place rapidement d’une manière ou d’une autre. D’autres mesures pourraient inclure un moratoire sur les centrales électriques à charbon qui permettrait de faire passer le taux de C02 en dessous de 400 ppm.
La position de M. Hansen devrait conduire à accroître la pression sur la Grande-Bretagne qui envisage de construire une nouvelle génération de centrales électriques à charbon. L’an dernier, il avait écrit à Gordon Brown, l’exhortant à bloquer la première de ces centrales. La Royal Society avait également fait au gouvernement des recommandations semblables.